Le rôle du manager est souvent évoqué dans le cadre des transformations Agile. Pas toujours sous son meilleur jour lorsque l’on voit les rapports comme le 16th State of Agile report qui le décrit comme un des facteurs principaux de difficulté à une adoption Agile réussie en entreprise.
On voit alors un mouvement autour du « Management Agile » se développer depuis un certain temps. On y retrouve d’ailleurs souvent des pratiques du Management 3.0 ainsi que des préceptes pas si nouveaux de management orientés individus et interaction plus que processus et outils.
Cependant, difficile d’y voir clair dans ce qu’est vraiment le « Management Agile » car tout comme avec le terme Agile seul, tout le monde y met un petit peu ce qu’il veut. C’est pourquoi je me suis prêté à l’exercice, loin d’être parfait, d’essayer d’éclaircir cela.
En voici une première version 🙂
Contexte
D’une manière assez simple et comme je le fais habituellement, j’essaie de revenir à la base. On parle ici du Management Agile, avec un grand A, celui qui provient du Manifeste Agile si je puis dire. En effet, pour parler de Management agile, c’est une autre histoire ! 🙂
C’est d’ailleurs là que je vais commencer. Et pour être suffisamment concret tout en restant ouvert à la contextualisation, je vais partir des 12 principes Agile que je vais tenter de traduire sous l’angle du Management Agile.
Cela nous donnera alors une vision vaguement précise du sujet mais ce sera mieux que rien ! 😉
Les principes du Management Agile
Rentrons à présent dans un peu plus d’explications 🙂
Principe 1 : Satisfaire nos clients
Notre plus haute priorité est de satisfaire nos clients en leur apportant rapidement et régulièrement des réponses à grande valeur ajoutée.
Ce premier principe est intéressant car il questionne la notion de clients. En effet, qui sont les clients des managers ?
Pour ma part, j’en distingue à minima 3 :
Où ? | Au-dessus | À côté | En-dessous |
Qui ? | Managers de managers ou Direction | Managers de même niveau | Collaborateurs |
Besoin ? | Suivi / Reporting | Informations / Dépendances | Vision / Direction / Soutien |
Mettre en oeuvre ce principe, c’est bien connaître son écosystème et les besoins de ses clients. En effet, l’adage nous dit que « la valeur » vient du client, c’est-à-dire que seul lui pourra vous dire si telle action ou réponse a de la valeur pour lui. Ce sont ces éléments qui permettent au manager d’ajuster son niveau de service pour la plus grande valeur ajoutée possible. Une des compétences fondamentales ici est donc l’écoute active.
On parle ensuite de « rapidement » et « régulièrement ». Pour ce premier élément, on pourrait tout simplement donner un avis de réception permettant au client de savoir que l’on a bien conscience de l’existence de sa demande. Ensuite, on pourrait définir de lui apporter un premier élément de réponse (si ce n’est la réponse) sous un temps donné (par exemple : 1 semaine).
Note : Lorsque je parle de « réponse », je ne place pas le manager comme un expert de type « réponse à tout » mais plutôt au sens « Responsabilité« , c’est-à-dire ayant cette capacité à répondre de manière efficace à une situation ou un événement. |
Puis pour les demandes nécessitant un temps de traitement plus long, de simplement donner de la visibilité sur l’état de la demande. On pourrait potentiellement expliquer ce qui a été réalisé et ce qu’il reste à faire.
Compétences : écoute active, empathie, orientation client, communication client, réactivité, adaptabilité
Principe 2 : S’adapter aux besoins changeants
Accueillez positivement les changements de besoins. Le management Agile exploite le changement pour apporter la meilleure réponse au meilleur moment à ses clients.
Dans un contexte où tout bouge tout le temps, les besoins n’y font pas exception. Ainsi, savoir apprécier ces mouvements comme des opportunités d’apporter encore plus de valeur est fondamental. On réussit ainsi à rester proche des besoins du moment tout en gardant bien en tête les contraintes de notre environnement.
De là on peut aborder l’importance de la vision qui agit comme base de référence suffisamment stable pour ajuster ses actions. En effet, il est assez rare de voir une vision totalement shifter (même si cela arrive bien sûr). Par contre, le chemin pour l’atteindre évolue généralement au fur et à mesure que l’apprentissage se fait sur le terrain.
Compétences : écoute active, empathie, orientation client, opportunisme, adaptabilité, vision, objectifs, disponibilité
Principe 3 : Apporter de la valeur régulièrement
Apportez fréquemment des réponses opérationnelles avec des cycles de quelques jours à quelques semaines et une préférence pour les plus courts.
On appuie ici sur l’aspect opérationnel ou actionnables des réponses. Si je ne peux faire l’action demandée en tant que manager, je réfléchis tout de même à un moyen de faire avancer la situation exposée. Sinon je n’apporte finalement aucune valeur à mes interlocuteurs.
On cherche ici à éviter les états mentaux d’adaptation du Processus de Responsabilité : Accusation, Justification, Culpabilité, Obligation et Fuite.
Compétences : orientation résultat, capacité de prise de décision et d’action, problem solving
Principe 4 : Collaborer quotidiennement
Les managers et leurs clients doivent travailler quotidiennement tout au long de leur collaboration.
Je ne suis pas sûr qu’il y ait grand chose à ajouter ici 🙂
Compétences : écoute active, disponibilité, communication claire, capacité à apporter son soutien, débloquer les situations, coopération active
Principe 5 : Développer un environnement de confiance
Réalisez les projets avec des personnes motivées. Fournissez-leur l’environnement et le soutien dont ils ont besoin et faites-leur confiance pour atteindre les objectifs fixés.
On parle ici de créer et d’entretenir l’environnement favorisant la motivation des personnes et par conséquent leur performance.
Un des éléments clés ici est la confiance et qui dit confiance dit sécurité ! De cette dernière, on pourrait évoquer la sécurité psychologique tout d’abord : cette capacité à pouvoir s’exprimer librement sans avoir peur d’être jugé ou critiqué. Veiller à ce que ses collaborateurs soient capables de dire les choses est primordial.Le plus simple dans ce cas est tout simplement d’en parler !
Un second aspect de la sécurité est celle qui provient de la Redevabilité (Accountability) du collaborateur. Le sujet ici est de clarifier ce qui est attendu du collaborateur tant en termes d’objectifs que de comportements. C’est également l’occasion de lui partager des permissions pour ouvrir la porte à la prise d’initiative et à l’erreur apprenante.
D’ailleurs, un autre aspect intéressant dans ce sens est de développer la connaissance de soi et de l’autre. Un outil simple à utiliser est l’Individual Map qui invite chaque personne à se poser quelques questions. On peut ensuite partager cela en groupe pour créer du lien et des premières règles de fonctionnement.
Créer l’environnement c’est bien mais l’entretenir dans la durée c’est mieux !
Il faut bien garder en tête que ces règles ne sont vraies qu’à un instant t. En effet, elles sont souvent définies à un moment où chaque personne est suffisamment ouverte pour s’exprimer sans être sous pression. Avec l’apprentissage collectif dans le temps, mieux vaut s’assurer qu’elles restent d’actualité, utiles et cohérentes.
Compétences : écoute active, empathie, relation interpersonnelle, sécurité psychologique, autonomie, coaching, facilitation, confiance
Principe 6 : Communiquer efficacement
La méthode la plus simple et la plus efficace pour transmettre de l’information est le dialogue en face à face.
Sans rentrer dans de grands discours, ce principe est plutôt simple à comprendre. Privilégier la communication directe, visuelle et en physique (présentiel et au pire distanciel avec caméra). Avec le développement du télétravail, la pratique du visuel et/ou de la facilitation graphique devient essentielle : un dessin vaut 1000 mots !
Note : le principe initial est d’ailleurs incorrect selon moi. En effet, l’approche qui me semble la plus simple et la plus efficace est le dialogue côte à côte face à un tableau blanc. Cela ouvre naturellement à la coopération et limite d’autant plus les interprétations. |
Compétences : écoute active, empathie, orientation client, adaptabilité de communication, disponibilité
Principe 7 : Suivre son impact
Une réponse actionnable est la principale mesure d’impact.
Pour garder l’idée originale, on cherche ici à avoir un aspect concret de ce qui est produit par un manager. Ainsi, il est important que chaque réponse soit actionnable pour pouvoir mettre en mouvement et apporter de la valeur.
De là on pourra véritablement mesurer l’impact et la valeur que l’action du management a eu pour son écosystème. En effet, si la réponse génère un mouvement, on pourra plus facilement évaluer si le résultat obtenu va dans une bonne direction ou non. On obtient alors un feedback sur lequel se réajuster et suivre son impact dans la durée.
Compétences : orientation résultat, esprit de synthèse, visualisation, communication, orientation client
Principe 8 : Veiller à un rythme soutenable et durable
Le management Agile veille à un rythme soutenable. Ensemble, les managers et leurs clients devraient être capables de maintenir indéfiniment un rythme constant.
Plusieurs thématiques sont abordées ici : le rythme soutenable en terme de charge pour les équipes mais également le rythme des rencontres et des meetings qui peuvent avoir lieu. Plus que simplement « encourager » ce rythme soutenable comme évoqué dans le principe initial, je propose plutôt de « veiller » à ce que ce rythme soit soutenable. La différence principale est d’être actif à ce sujet et non pas simplement en observation.
En effet, avoir une notion de la capacité à faire de ses propres équipes ou des équipes en dépendance est important pour pouvoir planifier et coordonner de manière adaptée. Pour ce faire, utiliser les données historiques de production des équipes peut aider (lead time, débit…). On évitera de passer trop de temps sur les estimations pour accorder plus d’attention à ce qui produit de la valeur.
Enfin, on cherchera plutôt à aller voir les équipes plutôt qu’à leur demander du reporting de manière à ce que le ratio valeur / effort soit le plus grand possible. On limite ainsi les moments de rencontre synchrones à l’essentiel pour garder un rythme utile et soutenable pour tous.
Dans le cas de 2 couches managériales en interaction, il sera utile de définir ensemble comment minimiser ces moments de rencontre par rapport au besoin de visibilité nécessaire pour la prise de décision stratégique et opérationnelle.
Compétences : écoute active, empathie, orientation client, adaptabilité, objectifs, communication, gemba
Principe 9 : Affûter ses compétences
Une attention continue à l’excellence managériale et à une bonne stratégie renforce l’Agilité.
Je me rappelle à mes débuts lorsque je commençais à m’intéresser à l’Agilité et à ses différentes facettes, un développeur était venu me voir surpris que je fasse de la veille. En effet, il était pour lui assez rare de voir des personnes faire de la veille sur autre chose que de la technique. Et pourtant, c’est pour moi exactement pour la même raison : suivre les tendances, être à jour et pouvoir s’appuyer sur les apprentissages d’autres pour apporter le maximum de valeur.
Ce principe est donc assez simple : en tant que manager, se former de manière continuelle est essentiel. Cela contribue au devoir d’exemplarité et permet d’avoir plus de cordes à son arc pour pouvoir développer sa capacité à répondre.
Le domaine des soft skills est tout particulièrement recommandé car c’est celui sur lequel l’éducation classique nous forme le moins et pourtant celui qui impacte le plus dans les projets.
Comme le dirait Jim Kwik : « Leaders are Readers« .
Compétences : pro-activité, curiosité, esprit de synthèse, exemplarité
Principe 10 : Choisir la simplicité
La simplicité – c’est-à-dire l’art de minimiser la quantité de travail inutile – est essentielle.
Rester simple continuellement n’est pas si évident. L’idée ici est de choisir la voie de la simplicité au maximum que ce soit dans la stratégie, dans la tactique, dans la communication et donc dans les interactions.
Aller au plus simple ne veut pas dire rendre les choses simplistes. C’est au contraire un exercice rigoureux de réussir à filtrer l’essence des choses pour pouvoir les utiliser à bon escient.
Compétences : Esprit de synthèse, efficacité opérationnelle
Principe 11 : Soutenir l’autonomie
Les meilleurs résultats émergent d’équipes auto-organisées.
Cela est peut-être un des changements de modèles mentaux les plus difficiles du management actuel. En effet, avoir une équipe auto-organisée c’est lui permettre de prendre des décisions pour elle-même sur le chemin à prendre pour atteindre son objectif. En tant que manager, c’est donc d’être clair et limpide sur la direction et sur ce fameux objectif à atteindre.
Note : On parle ici surtout dans le cadre d’un contexte VUCA en perpétuel mouvement. |
C’est également apprendre à lâcher prise sur un contrôle parfois trop intrusif des équipes. Il n’est d’ailleurs que très rarement fait par volonté propre mais plutôt en réaction à une insécurité ressentie. En effet, la réussite d’un manager provient en grande partie de la réussite de ses troupes. Il apparaît donc normal de suivre son avancée.
Cependant, avoir cette capacité d’être présent sans être étouffant permet de développer une autonomie adaptée de l’équipe à son environnement mais contribue également à créer une relation saine et durable avec son management.
On cherche alors à être soutenant, à déléguer et à encourager les prises d’initiatives. Pour ce faire, des outils comme le Delegation Poker, le Team Decision Matrix peuvent être utiles tout comme un échange informel autour du droit à l’erreur. On utilisera également le feedback pour permettre à l’équipe de progresser tout en gardant en tête le cadre de responsabilité qui lui incombe.
Enfin, les domaines du coaching et de la facilitation peuvent être utiles à creuser afin d’ajouter ces postures à sa panoplie existante.
Compétences : écoute active, coaching, facilitation, delegation, coopération, feedback
Principe 12 : Se remettre en question régulièrement
À intervalles réguliers, le manager réfléchit aux moyens de devenir plus efficace, puis règle et modifie son comportement en conséquence.
Une grande compétence des leaders d’aujourd’hui est la réflexivité. Cette capacité à non seulement réfléchir à une situation à posteriori en terme d’outils et de méthodes mais également à y déceler des apprentissages personnels pour la suite.
Réussir à se remettre en question n’est pas toujours évident lorsque l’on a un statut mais c’est justement dans cette vulnérabilité que l’on peut exprimer le plus pleinement sa personnalité.
Apprendre, Comprendre et Entreprendre pour donner l’exemple et devenir un leader inspiré et inspirant pour son écosystème.
Compétences : feedback, vulnérabilité, réflexivité, amélioration continue, développement personnel
Conclusion
Voici une première ébauche de travail autour de ce que j’appellerai le Management Agile avec un grand A.
On y retrouve 12 principes de Management, inspirés et adaptés des 12 principes sous-jacents au Manifeste Agile. Chacun est décrit suivant mes convictions, agrémentées de ressources complémentaires pour aller plus loin.
Le résultat n’est pas parfait mais j’espère qu’il saura nourrir votre réflexion à ce sujet passionnant 🙂